Les Ames en plastique
de Khalil Chistee
En 2023, l’upcycling est presque devenu un art de vivre. Cette pratique qui consiste à donner une valeur à de vieux objets usagés voire des déchets en les réutilisant afin de leur donner une nouvelle vie et une nouvelle utilité est extrêmement répandue. Le principe est « d’upgrader » des objets ou des vêtements pour en faire des produits désirables. Cette activité est très présente dans l’univers de la mode mais qu’en est-il de l’upcycling dans l’art ? L’artiste Khalil Chishtee incarne très bien la rencontre entre ces deux univers.
Par Gabriel Rizo
30 Janvier 2024
De nombreux artistes se sont appropriés l’upcycling comme vecteur de création, en faisant de cette pratique une partie intégrante de leur art, voire le fondement même de celui-ci. Parmi eux/elles, se trouve Khalil Chistee, un artiste et sculpteur à la vision et au parcours passionnants.
Il est né à Lahore au Pakistan en 1964. Diplômé de sculpture au NCA de Lahore et titulaire d’une maitrise en arts plastiques de Sac State à Sacramento, il fera également un passage par l’El Dorado Center de Placerville en Californie afin d’y étudier la sculpture et la céramique. L’artiste s’installera ensuite à New York aux États-Unis.
Indépendamment de l’exposition de ses œuvres, pendant et à la suite de ses études, Chistee réalisera plusieurs projets sur commande pour les grandes villes du Pakistan ainsi que pour la ville de New York.
Artiste de renom, son travail sera exposé à l’international notamment à la 56eme exposition internationale d’art ou encore à la biennale de Venise en 2015. Dans une de ses rares interview, l’artiste avoue que c’est après être arrivé aux Etats-Unis qu’il a réalisé l’impact des déchets plastiques et notamment des sacs plastiques sur l’environnement. Ayant grandi dans une famille modeste, il avait toujours été intéressé par la réutilisation de vieux objets ou matériaux.
C’est donc en 2005 qu’il commence à travailler avec des sacs en plastique sans se douter que cela deviendrait sa griffe. Chistee réalise des sculptures à forme humaine. Il met en œuvre des corps et des visages au réalisme bluffant, empreints de véritables émotions. Ainsi, il traite le sujet brulant de la crise environnementale et écologique que nous traversons, tout en explorant également des sujets plus doux comme l’amour ou l’expérience humaine.
Khalil Chistee définit l’art avec un seul mot : « amour ». Et lorsque l’on se penche sur ses sculptures, on y voit sans l’ombre d’un doute un amour inconditionnel pour la vie, l’être humain et notre planète.
L’utilisation de sacs en plastiques blancs a pour but de symboliser l’âme de chaque corps qu’il sculpte. De plus, les sacs se détériorent avec le temps, par conséquent ses créations évoluent. Elles ne sont pas figées et subissent de véritables changements, à l’image d’un corps humain. Son art est comme nous, vivant et périssable.
Le travail de cet artiste engagé nous permet également de nous questionner sur la valeur d’une œuvre d’art en fonction des matériaux utilisés lors de sa conception. Dans nos sociétés contemporaines faites de plastique, une sculpture faite à partir de sacs plastiques est elle aussi précieuse ou estimable qu’une sculpture en métal ? Dans quoi réside la valeur ? Dans les matériaux utilisés ? Dans l’effort fourni ? Ou tout simplement dans la réalisation et la mise en œuvre d’une vision artistique ?